Pour tenter de créer un parcours stratégie décent en termes de qualité de réflexion et de fondement théoriques scientifiques, j’ai passé un temps conséquent à me documenter. De prime abord sur des ouvrages de référence, puis ensuite sur les différents supports qui sont mis à notre disposition.
J’ai également fait la tournée des blogs des différents gourous, et de Youtube en termes de développement personnel et j’avoue avoir ressenti un trouble particulièrement désagréable devant certains d’entre eux.
« Reprogrammer son cerveau en 15 minutes », « Ce qu’il vous manque pour réussir », « Ce que font les gens qui sont des gagnants »…
Si l’on en croit tous ces gens, dont les vidéos au demeurant sont particulièrement bien faites (on s’en rend mieux compte quand on a soi-même essayé de s’y mettre), nous voulons tous ressembler aux gens qui ont réussi dans la vie.
De Elon Musk dont le rêve est d’abandonner l’espèce humaine à son sort et de partir sur Mars à Mark Zukkerberg, premier dealer de dopamine du monde, chacun peut choisir son “héros” et l’imiter pour être aussi extraordinaire que lui.
J’avais déjà exprimé mon scepticisme avancé sur les théories du développement personnel qui relient la réussite, le bonheur et la vertu dans un article.
https://www.linkedin.com/pulse/la-grande-m%C3%A9prise-du-d%C3%A9veloppement-personnel-voulot-charly/
Je suis particulièrement incrédule devant l’un d’entre eux, mais peut-être que ça ne tient qu’à moi : le « miracle morning ».
Miracle morning : se coucher tard nuit
Résumé rapide :
- La promesse : vous donner du temps pour faire les choses que vous avez vraiment envie de faire. Ça part plutôt bien. Et du coup, vous atteindrez vos objectifs dans la vie. Ça donne envie.
- La cause : c’est vous, car vous passez trop de temps à faire des conneries comme regarder la TV plutôt que de développer votre énorme potentiel.
- La réponse : levez-vous à 5h du matin pour améliorer vos performances. En effet, tous les gens qui réussissent se lèvent tôt (ne cherchez pas de source scientifique à cette affirmation, il n’y en a pas) et donc si vous prenez du temps pour vous pour aller courir, faire de la méditation ou lire un livre, vous réussirez aussi. Mangez sainement aussi, ça ne fait pas de mal, au contraire. Et visualisez que vous êtes un winner pour vous en convaincre : votre biais d’autocomplaisance vous remerciera.
On va me répondre que c’est un changement initiatique, intérieur et puissant qui enclenche un changement d’habitudes profond et pas seulement une heure de réveil.
C’est bien ça qui me dérange.
Le livre initial « miracle morning », c’est un gars qui a eu un accident de voiture plutôt grave qui ne devait pas remarcher et qui a tout fait pour s’en sortir. De toute façon, c’était soit ça, soit se jeter d’un pont selon son caractère.
En quoi le destin de ce gars, qui est probablement quelqu’un de respectable, courageux et de très bien, avec un parcours de vie vraiment intéressant, a quelque chose à voir avec moi qui suis un consultant en parfaite santé ? Je ne comprends pas en quoi j’aurai plus de chance de réussite en décalant mon rythme de sommeil. Pourquoi est-ce que je devrais m’infliger un traitement pour une situation qui ne m’est pas arrivée. Car avoir un accident de voiture, risquer de ne pas remarcher et devoir mettre en place un traitement pour s’en sortir n’est pas une chose enviable.
C’est comme se mettre à prendre des cachets de chimiothérapie alors qu’on n’a pas de cancer en se disant « Si le gars qui a le cancer il survit grâce à ça, moi qui n’ai pas de cancer, ça va me permettre de devenir un surhomme ».
Le message qui est véhiculé me paraît, au-delà d’être faux, d’une grande nocivité pour les gens.
Moins dormir nuit encore plus
Pire, si on imagine un ou une chef d’entreprise qui a des enfants et un(e) conjoint(e), on est en train de lui demander de décaler son rythme, qui est aujourd’hui calé sur celui de sa famille, de l’école et du boulot de l’autre, pour aller mieux. S’agissant d’un comportement atypique dans la société, cela veut aussi dire limiter ses interactions avec les amis qui sortent le soir par exemple.
On va donc prendre deux heures le soir quand toute la famille est debout (au moins le conjoint) pour la mettre le matin quand tout le monde dort. Première question : on sacrifie de préférence le temps passé avec les enfants, les amis ou le conjoint ? Sur quel critère : qui on aime le plus ?
Car oui, regarder la télé-réalité avec son ado, c’est une activité respectable.
Beaucoup de mes clients quand ils viennent me voir sont déjà en déficit de sommeil. Le miracle morning les incite donc à se lever plus tôt mais leurs engagements sociaux les empêchent de se coucher plus tôt.
Ça ne décale pas le cycle, ça le raccourci !
Se lever au milieu de la nuit pour aller courir ne les a pas rendu plus heureux. Juste fatigué et un peu plus irritable ou moins attentif aux besoins de leurs proches. Sans compter qu’on peut aussi décider de partir plus tôt du bureau, courir entre midi et deux, ou organiser son dimanche autrement.
Je ne critique pas la démarche de l’auteur du livre pour qui, et j’en suis persuadé, c’était une très bonne chose. Ça lui a probablement sauvé la vie.
Mais respectons suffisamment la complexité de nos êtres pour admettre qu’une solution peut être adaptée à l’un et être néfaste à l’autre. La nuance, le recul, le scepticisme, et souvent juste le bon sens, manquent cruellement à toute cette démarche.
Juste mon avis
Peut-être que je me trompe.
Ce que vous venez de lire est uniquement l’expression mon avis. C’est un ensemble de vues de l’esprit par rapport à ce que j’ai pu lire, ou écouter sur ce sujet. De plus, et même si j’essaye de ne pas faire de mon propre cas une règle générale dans mes analyses, c’est entaché par le fait que je suis un oiseau nocturne par essence. J’écris cette phrase à 1h35 du matin un soir de semaine, et je ne serai sans doute pas avant 9h30 au bureau demain matin. Mais ça va, je le vis bien, merci.
Si quelqu’un a une expérience contradictoire, je serai vraiment très intéressé d’échanger sur le sujet.